Nous vous présentons une option qui s’offre aux personnes aînées et qui commence à se placer sur l’échiquier de l’offre d’habitations pour aînés au Québec, à savoir, l’habitation communautaire pour aînés. Cette forme d’habitation propose des logements accessibles aux aînés dont les revenus sont limités, tout en leur permettant de prendre part aux décisions qui concernent leur nouveau milieu de vie.
Certaines de ces habitations sont, en fait, des coopératives d’habitations pour aînés tandis que les autres sont des organismes à but non lucratif (OBNL). Indépendamment de leur forme juridique, ces habitations sont souvent implantées dans de petites communautés au sein desquelles elles sont parfois la seule option qui s’offre aux aînés qui désirent ou doivent (en raison de leur état de santé) quitter leur domicile. Lorsqu’elles sont implantées dans des villes, elles constituent une option envisageable, et souvent la seule issue, pour les aînés dont le revenu, faible ou modeste, les exclut d’emblée des résidences privées.
Dans certains cas, ces habitations communautaires pour aînés ne s’adressent qu’à des aînés autonomes, dans d’autres elles s’adressent aussi aux personnes convalescentes et enfin, ces habitations peuvent aussi s’adresser à ces deux types de clientèle tout en disposant aussi de logements pour les personnes semi-autonomes et non-autonomes (avec soins), ce qui offre un continuum permettant aux aînés de demeurer dans la même communauté, quelle que soit l’évolution de leur état de santé, leur évitant ainsi un déracinement et une autre déstabilisation. Enfin, certaines habitations disposent de logements pour les personnes en perte cognitive (maladie d’Alzheimer, démence et autres troubles cognitifs).
Nous proposons ainsi des outils à des groupes d’aînés promoteurs qui souhaitent développer leur projet avec l’objectif de faire en sorte qu’il y ait plus de choix de lieux d’habitation pour les aînés en Estrie pour le bénéfice de résidents, de leur famille et de toute la collectivité.
État de situation
Depuis une vingtaine d’années, on remarque une tendance à l’uniformisation de l’offre en habitation pour aînés au Québec, et ce, sur deux plans. D’une part, la très vaste majorité (90 %) des ressources d’habitation pour aînés certifiées par le Ministère de la Santé et des Services sociaux sont de propriété privée à but lucratif (Bravo et al., 2014). D’autre part, le nombre de grandes (100 places et plus) résidences privées pour aînés (RPA) a augmenté de 43 % alors que le nombre de RPA de petite taille (10 places et moins) a diminué de moitié entre 1994 et 2014 (Demers et al., 2015).
De plus, la majorité des RPA se « spécialisent » dans les soins aux aînés autonomes, les règles de certification étant beaucoup plus strictes pour les RPA visant une clientèle semi-autonome (Bravo et al., 2014). Cette spécificité des RPA entraine un autre problème : le relogement forcé des aînés au fil de la progression de leur perte d’autonomie. De cela découle trop souvent une séparation des proches – couples, fratries, amis – puisque, n’éprouvant pas les mêmes difficultés, chacun trouve réponse à ses besoins dans des établissements différents.
Or, les grandes RPA se concentrent dans les grands centres urbains et les pôles régionaux, où la densité démographique justifie économiquement leur implantation. Par ailleurs, elles offrent souvent moins de flexibilité, en termes d’horaire et de personnalisation des soins (Thomas, Guihan & Mambourg, 2011) que les organisations de plus petites tailles.
Il est vrai que la routine organisationnelle peut être perçue comme sécurisante par certains, mais elle est souvent vécue comme un carcan par d’autres (Charpentier, Malavoy et Vaillancourt, 2005). Les RPA de propriété privée à but lucratif offrent également moins d’opportunités pour les aînés de s’impliquer dans les décisions qui régissent leur milieu de vie. Le mode de gestion adopté par la plupart des ressources privées ne laisse que peu de place à l’autodétermination des résidents ainsi qu’à leur implication dans la planification et la gestion des soins et activités. De surcroît, il est généralement beaucoup plus dispendieux d’habiter une RPA de grande taille qu’une petite ou moyenne RPA (SCHL, 2014).
Au plan social, les grandes RPA ont pris une place importante au Québec. Cependant, les conditions financières d’une proportion importante d’aînés ne leur permettent pas d’y vivre jusqu’à leur décès, d’autant plus que les revenus s’amenuisent avec l’avancée en âge. L’accessibilité financière d’une habitation et la possibilité de vivre dans un même milieu sans être contraint d’en changer à cause d’une santé vacillante constituent un objectif atteignable par les habitations communautaires.
Si la formule RPA privée de grande taille peut convenir à certains, elle ne répond pas aux besoins et aux préférences de tous, sans compter qu’elle ne peut s’établir sur les territoires à faible densité démographique, comme en milieu rural. Il faut également considérer que la population est plus âgée dans les petites municipalités que dans les villes importantes et que cet écart a grandi considérablement, passant d’un écart du taux de vieillissement plus élevé de 0,8 % en 2005 à un écart de 4,1 % en 2015 (ISQ, 2016 : 2). Les aînés québécois se retrouvent donc la plupart du temps face à un non-choix, autant dans le type et le lieu de la résidence que dans son mode de gestion. Plusieurs sont forcés de quitter leur communauté par manque d’alternatives dans leur milieu, perdant ainsi l’accès à leur réseau d’ami(e)s et de connaissances.
Au Québec à l’heure actuelle, il y a davantage de femmes (800 899) que d’hommes (651 616) âgées de 65 ans et plus; à partir de 65 ans, cette réalité se retrouve dans tous les groupes d’âge. Puisque l’espérance de vie au Québec s’établit en 2014 à 80,2 ans chez les hommes et à 84,1 ans chez les femmes (ISQ, 2015), on ne peut que constater la féminisation du grand âge.
L’accès à un logement adéquat pour les aînés repose sur le revenu. Encore aujourd’hui, la situation économique des femmes âgées est plus précaire que celle des hommes du même âge. En 2010, 12,3 % des femmes de 65 ans et plus vivaient sous le seuil de faible revenu, comparativement à 8,2 % des hommes (Comeau, Desrosiers et Martin-Caron, 2015). Ce déséquilibre se répercute dans les besoins de logements décents : au Canada, 11,6 % des femmes de 65 ans ou plus éprouvent des besoins impérieux en matière de logement contre 5,8 % de leur contrepartie masculine (SCHL, 2016).
Les aînés et les élus municipaux prennent de plus en plus conscience de ce problème. Pourtant, il demeure difficile à résoudre dans bon nombre de municipalités; un questionnaire envoyé aux municipalités réalisant ou ayant réalisé une démarche MADA a démontré que, bien que 81 % des municipalités aient abordé les enjeux liés à l’habitation, seules 38 % d’entre elles disent avoir réalisé des actions sur ces enjeux (Garon, Vallette et Lavoie, 2015).
Dans un contexte où les aînés affirment leur préférence pour vieillir chez soi, une révision de la diversité de l’offre d’habitations accessibles et abordables aux aînés s’impose.
Pourquoi n’y a-t-il pas plus de diversité dans l’offre d’habitations pour aînés?
Est-ce que leaders locaux et professionnels du développement local et communautaire manquent d’informations, d’outils?